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Estimer une monnaie (Partie 1) : La base

Aujourd'hui pour ce cinquième article "Coin des Monnaies", nous allons aborder le très délicat sujet de l'estimation d'une monnaie.

Cet article sera publié en trois parties : la première, aujourd'hui, concerne les généralités. La seconde partie sera publiée le samedi 8 juin et concernera le marché Français pour les monnaies modernes. La troisième et ultime partie concernera le marché étranger et sera publié le 15 juin !

Et c'est parti ;)

Introduction

La valeur d'une monnaie:
Toute monnaie a une valeur... Celle-ci va d'une fraction de centime (valeur de son contenu métallique le plus souvent) à plusieurs millions d'euros.
Nous sommes d'accord, la fourchette est ample.
Pour la plupart des monnaies récentes, l'estimation n'est pas très compliquée et ne requiert que des compétences de base à la portée de tous les professionnels honnêtes et compétents. En revanche, pour d'autres monnaies, ce travail peut s'avérer complexe et nécessiter des compétences plus rares. C'est d'autant plus vrai que la valeur n'est pas figée dans le temps et évolue chaque jour, voire chaque seconde !
ATTENTION: Nous parlons d'ESTIMATION et pas de PRIX DE VENTE. Les deux notions peuvent être confondues mais ne doivent pas l'être !

Les ouvrages
: De nombreux argus existent. Certains sont assez fiables, d'autres beaucoup moins. Nous n'allons pas énumérer ceux qui le sont et ceux qui ne le sont pas ; en revanche, nous allons explorer les pistes qui peuvent nous donner de bonnes idées sur la fiabilité de l'argus que vous avez en poche. Vous jugerez.
Quant à la documentation, elle est essentielle dans le travail d'estimation. De nombreux numismates se sont spécialisés sur telle ou telle monnaie et ont développés des recherches poussées à leur sujet. Prendre connaissance de ces travaux aiguisera votre propre expertise.
Un numismate qui ne se documente pas fournira une estimation forcément biaisée...

Les différents types d'estimation
: L'estimation peut-être requise pour l'achat d'une monnaie (c'est en général le cas le plus probable). Dans ce cas, le prix d'achat est différent de l'estimation : le Numismate doit tenir compte de ses marges pour travailler et faire travailler la collectivité (charges et taxes). Nous voyons bien trop souvent des gens qui, apportant leurs monnaies à un professionnel, n'acceptent pas ces marges et ont comme sensation celle de "se faire avoir". Ceci est en partie du à certaines personnes peu scrupuleuses dans le métier, mais aussi à une incompréhension générale du métier.
Oui, Numismate est un métier, et quand ces personnes travaillent en semaine, personne ne trouve anormal de les payer, tout travail mérite salaire.


L'argus présent sur le site "Coin des Monnaies" n'a pas vocation d'être infaillible, mais donne une idée de la valeur de vos monnaies. En AUCUN CAS, vous ne devez utiliser sans connaissance ce document ou un autre argus pour estimer vos monnaies !

La première étape du processus d'estimation d'une monnaie est de vérifier si elle est recherchée ou non, si elle entre dans le cadre d'une estimation poussée ou si un examen simple est suffisant. Pour cela, il faut étudier l'offre et la demande.

À la base d'une valeur : Offre et Demande

Introduction
: Comme pour tout objet donc l'utilité est limitée, la monnaie présente une valeur basée sur la notion d'offre et de demande.
Il est essentielde vérifier ce rapport pour toutes les monnaies ; il va définir si votre monnaie est facilement estimable ou nécessite un examen plus poussé.
D'une manière générale, tout ce qui est dans un excellent état (SPL 63 et plus) et ce qui "sort de l'ordinaire" exige l'examen plus précis, mais ce n'est pas nécessairement le cas.

1. l'Offre
: L'offre actuelle : Elle correspond au nombre de monnaies similaires disponibles sur le marché. Tout simplement.
L'offre maximale théorique : Pour toutes les monnaies anciennes (dont le type n'est plus en cours d'émission), l'offre maximale est figée et correspond au tirage RÉEL de la monnaie. Celui-ci est parfois très difficile à obtenir et peut même faire l'objet d'une certaine spéculation tant l'enjeu est important ! Ainsi, si une monnaie est tirée à 2 000 000 d'exemplaires et date de 200 ans, quand bien même peut-il y avoir eu des pertes, il faut bien garder à l'esprit que 2 000 000 est l'offre maximale possible ! Dans le cas d'une pièce connue à 10 exemplaires dont le tirage est 2 000 000, la découverte de nouvelles monnaies est tout à fait possible et peut détruire sa valeur.

Attention: l'offre ne peut aller qu'en augmentant ! Dans certains cas, lorsque les monnaies sur le marché sont placées en collection, elles ne sont plus accessibles sur le marché et l'offre peut paraître virtuellement plus élevé. La moindre découverte augmentera cette offre et impactera inévitablement le marché. Pour les monnaies plus récentes, de nombreux cas de faux tirages ont été observés dans le but de tromper les acheteurs et rarifier une monnaie qui au final sera commune (cas très typiques des euros).

2. La Demande
: La demande actuelle : Elle correspond au nombre de personnes, collectionneurs ou non, qui désirent la monnaie étudiée.
La demande minimale théorique : Elle est de 0. En vrai, c'est très peu probable, même pour des monnaies inusuelles. Mais elle peut-être réservée à un marché de niche de 2 ou 3 collectionneurs.
La demande maximale théorique : Elle correspond au nombre de personnes dans le Monde. En vrai, elle n'atteindra jamais ce chiffre, mais les plus grandes demandes impliquent plusieurs dizaines de millions de personnes (cas pour certaines monnaies américaines).

Attention: contrairement à l'offre, la demande peut fluctuer dans les deux sens.

Bilan
Ce rapport "offre / demande" assigne à la monnaie une valeur. Ces deux notions étant en perpétuel changement, la valeur n'est jamais véritablement stable. Cependant, dans bien des cas, lorsque l'offre dépassent de très loin la demande, elle obéit à un cours plus global, qui répond au même ratio à des échelles bien plus grandes : celle des devises et des métaux (précieux ou non). Dans le prochain chapitre, nous allons commencer par "nous débarasser" des pièces qui obéissent à cette règle.

Les monnaies faciles à estimer

Généralité
: Ces pièces présentent une offre importante et une demande qui ne couvre pas totalement cette offre. Étant facilement accessible, la valeur réelle de ces monnaies est faiblement supérieure (ou nullement) à sa valeur plancher (valeur de cours).
Nous allons voir les trois principales catégories de monnaies qui entrent dans ce cadre.

1. Les pièces en métaux précieux, au cours
: De nombreuses pièces ont été produites dans l'unique but d'être thésaurisées. Elles présentent des tirages considérables ou / et ont été refrappées et leur seul intérêt est celui du métal contenu. C'est le cas par exemple de la pièce de 20 francs coq.
Hormis pour des grades (état de conservation) d'exception, ces pièces ne présentent pas beaucoup plus de valeur que leur contenu métallique. Une prime peut-être accordée pour certaines monnaies particulières, cette prime dépend encore une fois de l'offre et de la demande. En deça d'un certain grade, la valeur reste planchée.
Il suffit donc de prendre le cours du moment, d'y ajouter la prime éventuelle et l'estimation est faite. Rien de plus simple...


https://www.coindesmonnaies.com/catalog/epoque-contemporaine/type/50-francs-hercule-873
La 50 francs Hercule est typiquement un cas de pièce "au cours"

2. Les pièces en cours légal
Pour celles-ci, ce n'est guère différent de celles en métaux précieux. Elles ont aussi un cours puisqu'elles peuvent être utilisées ou échangées dans leur pays d'origine.
Il suffit donc, comme pour les pièces en métaux précieux, d'appliquer le cours strict. Il n'y a pas de prime pour ces monnaies là.


https://www.coindesmonnaies.com/catalog/suisse/type/5.francs.berger-tranche-en-relief-1793
La 5 francs Suisse circule encore...

3. Les pièces très communes
Le préalable est plus compliqué à définir : qu'est-ce qu'une monnaie commune ? Après avoir écarté toute suspicion de rareté (identification du type, millésime, puis examen d'une éventuelle variante connu ou inconnue), il ne nous reste plus qu'une monnaie très commune, que tous les collectionneurs ont et qui ne présente aucune valeur particulière. Celle-ci ne vaut alors que la valeur de son contenu métallique, soit d'une fraction de centime à quelques dizaines de centimes pour les métaux non-précieux.
Pour définir si une monnaie entre dans cette triste catégorie, voir point précédent sur l'offre et la demande :)


https://www.coindesmonnaies.com/catalog/espagne/type/1.peseta.seconde-tete-1165
La 1 peseta de Franco est un bon exemple...

Bilan
Ce processus concerne plus de 60% des monnaies du dernier siècle. Tout collectionneur ou numismate professionnel compétent saura les écarter facilement. Pour les 40% restants, voir chapitre suivant !

Les monnaies plus difficiles à estimer

Introduction :
Nous venons de le voir, l'offre et la demandent régissent la valeur d'une monnaie.
La règle est simple : plus le ratio tend en valeur de la demande, plus la monnaie est chère... Mais pas que...

Certaines circonstances peuvent accroître davantage la valeur d'une monnaie :
1. L'origine de la demande : Si la demande provient de personnes dotées de certains moyens, la valeur monte en flèche et inversement ! Si les monnaies rares australiennes sont si chères, c'est aussi parce que la clientèle australienne possède des moyens conséquents.
2. La présence de faux sur le marché : La présence de faux tend à rarifier et valoriser par le surnombre les monnaies authentiques. Phénomène particulièrement vrai sur les pièces et billets chinoises !
3. L'époque : Les époques "populaires" ont tendance à accroître la demande et donc la valeur. Par exemple, Napoléon Ier est très populaire dans le Monde tandis que Louis-Philippe est quasiment inconnu ;
4. L'histoire autour de la monnaie : ce point rejoint le précédent, une monnaie chargée d'histoire sera valorisée.
5. L'effet de mode : à ne pas négliger pour certaines pièces récemment découvertes, tout le monde en veut une !


https://www.coindesmonnaies.com/catalog/cuba/type/3.pesos.che-guevara-acier-nickele-6413
La 3 pesos du Che Guevarra a connu un certain effet de mode...

Exemples concrêts pour la monnaie Française
1. Napoléon Ier : Toutes les pièces de l'Empereur sont recherchées en France et dans le Monde. À rareté (à offre) égales, elles sont davantages valorisées que celles de Louis XVIII par exemple.
2. Les pièces de 5 francs type Écu sont nettement plus collectionnés que les divisionnaires (25 centimes et 50 centimes). Leurs valeurs à offre égale est plusieurs fois supérieure !
3. La 5 francs Pétain : Pourtant très commune, elle est très appréciée et recherchée, car chargée d'histoire. Son prix est sans commune mesure avec sa rareté pour une pièce française.
4. 100 francs Bazor : Malgré un tirage de plus de 10 000 000 d'exemplaires, la 100F Bazor est assez rare et présente un cas particulier de notre Numismatique. Avec une telle offre maximale, la seule découverte d'un sac d'origine ferait s'effondrer sa cote. Une histoire similaire existe au Canada avec les pièces de 5 et de 10 dollars en or de 1912 à 1914 : ces pièces étaient rare... Jusqu'à la sortie par la Royal Canadian Mint des sacs d'origine, tous les tirages avaient survécus. De nos jours, ces pièces ne valent pas bien plus que la valeur de leurs contenus métalliques...
... Et bien d'autres !

Bon et alors, après toute cette théorie... Comment estimer mes monnaies ?
Et bien nous allons aborder le sujet dans le dernier chapitre du présent article...

En pratique : L'Estimation

Sans une solide base de connaissances sur la monnaie que vous avez en main, NE VOUS RISQUEZ PAS À UNE ESTIMATION.
L'estimation requiert des compétences et des connaissances actuelles sur la monnaie que vous étudiez. Vous devez connaître son histoire et ses découvertes récentes. Le cas échéant, vous ne fournirez à celui qui la demande qu'une chimère avec soit une grosse désillusion soit une tromperie...
Pour beaucoup de monnaies, la solution la plus facile, mais toujours sous réserve, consiste à vérifier les monnaies similaires (grades etc...) vendues au cours des derniers jours. Le prix le plus bas correspondra alors à une estimation pas si mauvaise de votre part.
Tout à l'heure, nous parlions de la fiabilité des argus. Prenez le vôtre, piochez plusieurs monnaies au hasard et vérifiez leurs valeurs par ce procédé. Si ces dernières sont largement différentes de celles vues, il y a de grandes chances que votre argus ai perdu en fiabilité ! N'oubliez pas cependant que concevoir de tels ouvrage demande du temps et donc, aucun ne peut être véritablement fiable. N'empêche que, si l'ouvrage a été produit par une entreprise qui elle-même vend des monnaies, et que les cotations des monnaies les plus rares sont largement différentes des prix réalisés sur ces monnaies, vous pouvez vous poser des questions, comme celle de savoir s'ils sont acheteurs et vendeurs de ces monnaies rares.

Conclusion

L'estimation requiert de solides bases et ne peut être le travail d'amateurs ou de débutants. Ceux qui estiment sans ces bases font du mal à la Numismatique et dégoutent les acheteurs et les vendeurs. Sans doute me trouverez-vous dur, mais ceux-là sont aussi nocifs pour la Numismatique que les diffuseurs de faux...

Dans le prochain article, nous allons examiner un peu le marché Français actuel.

Sources

Mes propres observations ;)